MAISON LAURE SÉLIGNAC
Cigale Mag N° 36
Février 2011
Cela faisait longtemps que nous voulions vous parler de la Maison de peinture sur porcelaine Laure Sélignac. Mais depuis des mois, par quelques mauvais coup du sort, on était à chaque fois obligé de décaler au numéro suivant, puis à celui d’après, et encore après, et le mois prochain c’est promis… Bref, commençons par saluer les trésors de patience dont Alexandra Groussard, alias Laure Selignac, a fait preuve à notre égard – et passons à la suite.
OÙ PARIS STYLE DEVIENT LAURE SELIGNAC…
Si nous tenions tant à vous parler de cette
Maison, c’est qu’elle incarne parfaitement
ce que l’on appelle l’artisanat d’art. À
mi-chemin entre la créativité artistique et
le savoir-faire artisanal, Laure Selignac a
ouvert ses portes en 1919. Alexandra
Groussard nous fait faire le tour du
propriétaire :
« À l’origine, il s’agissait d’une petite
entreprise familiale de décoration sur
porcelaine baptisée Paris Style. Lorsque
je l’ai reprise, en 2000, elle était au
bord du gouffre. J’ai commencé par la
renommer « Laure Selignac », Laure pour sa
consonance très française et Selignac
parce que c’est le nom d’un petit village
à côté de Limoges, puis je me suis mise au
travail. »
Aujourd’hui, le résultat parle de lui-même :
en quelques années, la Maison Laure Selignac
est devenue une référence en matière de
peinture sur porcelaine… Jusqu’à recevoir en
2009 le très convoité label « Entreprise du
Patrimoine Vivant », qui promeut des
entreprises au savoir-faire particulièrement
renommé. Alexandra Groussard a su insuffler
une note de fraîcheur à cette vieille
Maison. Un exemple vaut mieux qu’un long
discours :
« Notre spécialité, c’est l’or fin en
relief. Pour les services de table et les
objets décoratifs bien sûr – mais
également pour nos bijoux en porcelaine,
qui redeviennent très à la mode depuis
quelques années. »
Dans l’atelier de la rue des Plantes, il
flotte un entêtant parfum d’essence de
térébenthine qui, mêlée à des pigments de
couleur, donnera la peinture sur porcelaine.
« On commence par dessiner le modèle à la
pointe grasse puis on peint
par-dessus,
nous explique la jeune femme.
Lors de la cuisson, les traces de crayon
disparaissent sous l’effet de la chaleur
tandis que les couleurs, elles, se fixent
en se fondant dans l’émail. »
Elles se fixent, oui, mais pas toutes à la
même température : pour chaque objet,
plusieurs cuissons seront donc nécessaires.
« On pose une première couche de
peinture, puis on met au four ; une
deuxième couche, au four ; une troisième,
et ainsi de suite… On est ici dans la plus
pure tradition du XVIIIe siècle, l’âge
d’or de la peinture sur porcelaine.
Depuis, la technique n’a guère changé. »
UN SAVOIR-FAIRE ANCESTRAL
À la différence près qu’à l’époque, régler
la température du four n’était pas chose
aisée ; or la cuisson ne se contente pas de
fixer les couleurs : elle les révèle, les
fait briller – et, pour certaines, les
modifie. Ainsi, on sera surpris d’apprendre
que la dorure, avant cuisson, est… noire.
Pas brillante, un peu sombre – noire.
« Certaines couleurs sont
particulièrement capricieuses. Le rouge,
par exemple, demande une telle précision
dans la cuisson qu’on ne l’utilisait
simplement pas avant l’invention du
thermostat ! »
Qu’on ne s’offusque pas du titre de ce paragraphe, on peut tout expliquer : chaque année depuis 2006, la Maison Laure Selignac organise un concours de peinture sur porcelaine dont l’édition 2010, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, avait pour thème « Les oiseaux ». On en profite pour noter qu’un autre président de la République (en fonction, celui-là) a fait appel à Laure Selignac pour un service à thé qu’il voulait offrir à sa mère… Et Alexandra Groussard de reprendre : « Ce concours a pour vocation de valoriser ce savoir-faire français que les étrangers nous envient. C’est ce même savoir-faire que des clients du monde entier, de Bill Clinton à la princesse du Japon, viennent chercher chez Laure Selignac. Mais nous vendons aussi beaucoup en France, à des particuliers ou à des grands noms du luxe. » Les cendriers et autres vide-poches Hermès, les services en porcelaine de la célèbre Tour d’Argent, c’est eux – preuve que l’artisanat d’art, en France, n’a rien perdu de sa superbe. Nous vous le disions en début d’article : cela faisait longtemps qu’on voulait vous parler de la Maison Laure Selignac. Maintenant, vous savez pourquoi.