CAMPUS DES MÉTIERS ET DE L’ENTREPRISE
Cigale Mag n° 44
Juin 2012
À Bobigny, face à l’université Paris XIII se dressent les bâtiments flambants neufs du Campus des Métiers et de l’Entreprise. Visite guidée.
D’un côté le cursus classique licence-master-doctorat, de l’autre l’apprentissage. On commence à bien connaître le premier : on en aperçoit même les limites. Mais on parle nettement moins du second, qui a pourtant bien des choses à dire…
LE COME-BACK DE L’APPRENTISSAGE
Il n’est pas si loin, le temps où
l’apprentissage était reconnu pour ce qu’il
était, c’est-à-dire tout sauf une voie de
garage pour les cancres des écoles de
France. Et à y regarder de plus près, il
semble bien que ce temps-là soit en train de
faire un come-back retentissant…
Le tournant date probablement des alentours
de Mai 68, lorsque le plus urgent pour la
jeunesse était (la phrase est d’époque) de «
dire merde à Papa ». Or Papa, qu’était-il ?
Eh bien, boulanger, boucher, coiffeur,
garagiste… Alors lui dire merde, c’était
s’inscrire en lettres, en économie, en
psycho, en socio… Et voilà comment on en est
venu à déprécier l’apprentissage au profit
des formations dites intellectuelles.
Aujourd’hui, les étudiants qui se lancent
dans ces cursus longs et contraignants
pensent au moins s’assurer, au terme de
leurs années de labeur, un métier à la
hauteur de leurs compétences – pourtant on
ne compte plus les Bac+3 au chômage et les
Bac+5 abonnés aux CDD. Le modèle est en
faillite et il aura malheureusement
fallu en venir là pour que les formations
professionnelles retrouvent grâce aux yeux
de l’Éducation Nationale…
Il ne s’agit même plus, pour sensibiliser les jeunes aux filières de l’artisanat, de leur parler de la noblesse de ces métiers ; de la beauté des gestes de l’authentique boulanger, du plaisir qu’un ébéniste peut éprouver à travailler le bois, de la fierté du maçon songeant qu’il emploie les mêmes techniques que les bâtisseurs d’autrefois… Cela, c’est toujours bien le cœur des métiers de l’artisanat, mais les jeunes d’aujourd’hui sont autrement plus pragmatiques. Ce qu’ils veulent savoir, c’est comment ils peuvent être certains de décrocher un travail qui leur permette d’être indépendant financièrement sans crainte du chômage. Deux solutions se présentent : la première, c’est le fonctionnariat – et on se rappelle ce sondage Ipsos de 2004 selon lequel 75 % des jeunes de 15 à 30 ans souhaitaient entrer dans la fonction publique… La seconde, c’est l’apprentissage. Aujourd’hui, 80 % des jeunes qui entrent en apprentissage en sortent diplômés – et 80 % de ceux-là décrochent un contrat dans la foulée. »À LA POINTE DE LA MODERNITÉ
Les nouveaux bâtiments du Campus des Métiers et de l’Entreprise de Bobigny ont été inaugurés en grandes pompes en 2010, en présence notamment de François Fillon. Premier ministre, il avait fait de la revalorisation de l’apprentissage un de ses chevaux de bataille, dans lequel il voyait une réponse efficace au problème du chômage des jeunes. Et que François Fillon ait été présent à l’inauguration du Campus des Métiers et de l’Entreprise de Bobigny n’est que justice, tant ce complexe ultra-moderne de 23 000 m2, pouvant accueillir jusqu’à 3 000 élèves, est le symbole même du dynamisme de l’artisanat français et des formations qui y mènent. Patrick Toulmet, président du Campus, prothésiste dentaire et président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de la Seine-Saint-Denis, ne dit pas autre chose : « Nous voulions des bâtiments spacieux et ultra-modernes pour montrer que l’apprentissage est une formation d’avenir. Les lignes futuristes du bâtiment, avec un maximum de baies vitrées pour laisser passer un maximum de lumière, cela devait servir aussi bien à créer un cadre propice au travail qu’à dépoussiérer l’image de l’apprentissage. » Patrick Toulmet peut être fier : il a rempli son objectif.
Que le Campus des Métiers et de l’Entreprise soit une réussite architecturale, cela ne fait aucun doute. Mais sans doute est-il plus important encore de parler des quarante-deux formations qui y sont dispensées. De la boulangerie à la photographie, de la cordonnerie à la prothèse dentaire, de l’électrotechnique à la coiffure, le Campus est à la hauteur de son slogan : « Découvre ton talent ». Car c’est bien de cela qu’il est question : des talents que des milliers de jeunes se découvrent lorsqu’ils entrent en apprentissage. Jeunes et moins jeunes d’ailleurs, puisque le Campus propose également des formations accélérées en 9 mois pour les adultes en reconversion. Au Campus des Métiers et de l’Entreprise, pas question de laisser un jeune décrocher, l’enseignement se veut aussi exigeant qu’humain. « Rabaisser un élève comme c’est trop souvent le cas au collège ou au lycée, cela ne sert à rien, nous explique Dominique Guy, responsable de la formation boulangerie. Les jeunes ont besoin de reconnaissance, c’est ça qui les pousse à progresser – pas les brimades des enseignants. Je crois être plutôt strict, je ne fais pas de cadeaux. Mais lorsqu’un jeune fait bien, je le dis. Et c’est amusant comme, en fonctionnant de cette manière, ils finissent tous par bien faire au bout du compte. C’est un effet de groupe – et l’effet de groupe, c’est à l’enseignant de le lancer. » Et comme vous pourrez le lire dans les deux pages qui suivent cet article, c’est une méthode qui fonctionne…Campus des Métiers et de l’Entreprise
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M° La Courneuve 8 mai 1945
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