La pâtisserie en musique

La fève musicale

Après une belle carrière dans la boulangerie et cinq boutiques qui portent son nom, Yves Desgranges aurait pu savourer une retraite active exclusivement consacrée à sa passion pour la bicyclette. Or, il s’avère que ce manuel ne dédaigne pas les choses de l’esprit puisqu’il a inventé la « Fève musicale », une idée de génie en passe de révolutionner l’art de manger galettes des rois et autres pâtisseries traditionnelles.

Christian Rol

L’idée de remplacer les traditionnelles fèves de l’Epiphanie par une pastille à peine plus grosse qu’un dé à coudre, pastille remplie d’électronique qui émet de la musique, remonte à une dizaine d’années, époque où Yves Desgranges a déposé le brevet. Mais c’est à partir de fin 2010 que les boulangers pourront vendre à la clientèle leurs galettes des rois. Entre-temps, le roi des galettes a dû entreprendre un chemin du combattant en compagnie de Michel Batard, professionnel de l’électronique et des produits chinois qui a mis en œuvre l’idée.

UNE IDÉE QUI VA FAIRE DU BRUIT…
« Nous nous sommes rencontrés au cours de nos promenades à vélo. Lorsqu’il m’a parlé de son concept, j’y ai cru tout de suite. J’ai mis en branle mon savoir-faire et mes réseaux de fabricants. Je me suis aussi improvisé commercial et « metteur en scène » du produit qui est relativement simple et nullement révolutionnaire. C’est l’idée qui est révolutionnaire et elle va bouleverser les fêtes pâtissières. » « J’ai 3 idées par jour, rétorque Yves, qui est déjà le père de quelques bonnes inventions, mais à la veille de ma retraite, je me suis concentré sur cette fève musicale. » L’objet en question, à l’état brut pour l’heure, consiste en un circuit électronique qui active une musique (« Les Rois Mages » de Sheila en l’occurrence) – en lieu et place de la sempiternelle fève qui a fait la fortune de trois fabricants exclusifs. « Nous allons le « designer » en fonction des fêtes. Même si, en premier lieu, nous voulons exploiter commercialement la fête des rois, nous visons également les bûches de Noël, la Saint Valentin, la Fête des Mères, tout ce qui est ludique. Y compris les anniversaires pour les particuliers. Nous allons également nous concentrer sur le marché américain en proposant une déclinaison de l’idée pour Halloween. Où l’on parle de 2 marques déposées Zic Sensor ‚ et musicagateau‚ qui élargissent considérablement l’idée de « fève ». « En ce qui concerne exclusivement l’Epiphanie, nous ne voulons pas dénaturer la tradition de la fève pour autant ; simplement la dépoussiérer. Depuis 40 ans, les fabricants font la fève, qui était une graine à l’origine, sous forme de petites voitures, d’animaux, ou de ballon de football, voire de joueurs de foot, etc. On voit bien que nous arrivons au terme d’un cycle, que l’imagination est tarie et la tradition trahie. »

LES DERNIÈRES MISES AU POINT
Avec 60 millions de fèves vendues chaque année en France, les deux compères suscitent les questions très terre-à-terre de leur confesseur qui considère ses interlocuteurs comme des milliardaires potentiels. Un grand éclat de rire en guise de réponse et une prudence très française devant les questions d’argent boucleront ce sujet sensible. Trois des plus gros exposants en France sont déjà conquis par l’idée ainsi que les pros du marketing. Quant à l’objet, il a déjà eu l’agrément des divers instituts concernés (sécurisation, normes, etc.). Et bien que fabriqué en Chine, il recevra un « suremballage » et une thermie en France par des fabricants qui travaillent déjà pour de grandes marques de cosmétiques. « La sécurisation est au cœur de nos préoccupations. Bien sûr, nous nous attendons à quelques faux arguments de la part de la concurrence », pour ne pas dire des coups bas. Maintenant que presque toutes les étapes ont été franchies haut la main, Yves Degranges et Michel Batard, cyclistes chevronnés, abordent la dernière ligne droite avec l’optimisme des grimpeurs de retour sur le plat. Nous les attendons, à une année de là, sur la ligne d’arrivée auréolés du succès auprès des boulangers, et surtout du public… qui ne déboursera pas plus pour un gâteau qui connaîtra désormais la musique.