Histoire de Véronique Mauclerc

AU FOUR ET AU MOULIN.

A 32 ans, Véronique Mauclerc multiplie les singularités en même temps que des pains uniques qu’elle cuit dans l’un des deux derniers fours à bois que compte Paris. Sa boulangerie est classée aux monuments historiques et ses produits ont, en 18 mois d’existence, conquis la presse japonaise ainsi que les papilles parisiennes et au-delà.

Arsène Corvec

La rue de Crimée grimpe à l’assaut des Buttes-Chaumont dans un isolement proche des alpages de Haute-Savoie. Heureusement, la boulangerie de Véronique Mauclerc est là pour nous ramener à la civilisation. Celle du début du XXème siècle en particulier qui imprègne cette boutique classée aux Monuments historiques. Faïences d’origine, plafond en verre teint illustrés de motifs naïfs, et marbre omniprésent campent le décor jusqu’au fond du salon de thé où un four à bois vieux de 102 ans attend les pâtes déposées nuitamment et cuites grâce au « gueulard » – rarissime – qui avale ses quatre stères par mois. Cette originalité se double de la présence de Véronique Mauclerc, jeune femme de 32 ans, détentrice d’une maîtrise en boulangerie, lauréate du prestigieux prix Puldowski et, surtout, adepte du retour aux sources.
« Ici, je fabrique tout en direct à la main, je pétris au levain naturel sans levure, sans chambre de fermentation, et j’enfourne aussi à la main ce qui ne se fait pratiquement plus. » On le comprend aisément lorsqu’on voit les pelles de plusieurs mètres de long qui devront supporter plusieurs centaines de pièces, chaque nuit portées à bout de bras par cette jeune femme fluette, mais au caractère bien affirmé, qui commence ses « journées » de 15 heures à 2 heures du matin. Heureusement, ce labeur qu’elle pratique avec passion (« au bout de 10 jours de vacances, mon fournil me manque » confie-t-elle) est largement compensé par un succès fulgurant. En l’espace de 18 mois, depuis qu’elle a racheté cette boulangerie, le bouche-à-oreille, a fonctionné au-delà de toutes ses espérances, atteignant même le Japon où elle figure comme un must en terme de goût. « Une jeune japonaise est venue quelques mois après l’ouverture et s’est prise de passion pour mon travail. Elle a prévenu ses amis journalistes et des professeurs d’Osaka sont venus observer la manière dont j’opérais. Le fait que je fasse du bio, et le décor dans lequel j’évolue ne sont pas étranger à cet intérêt. ». Plus proche de nous, mais guère plus facile, est la conquête de Paris et de sa banlieue d’où certains affluent chaque week-end pour s’approvisionner pour la semaine. On peut le comprendre après avoir goûté les pains aux fleurs séchées ou au gros poivre, ou les simples baguettes, cuits comme on ne le fait nulle part ailleurs ; les fours électriques ou à gaz ayant remplacé le bois. Quant aux pâtisseries, l’autre spécialité de Véronique, elles offrent une palette de saveurs totalement inédites qui ne tarderont pas à faire école. « Mon relatif succès tient à trois choses : mon obstination, mon expérience de 15 ans dans le métier et mon goût du travail bien fait. Dans un milieu aussi misogyne que celui de la boulangerie, le fait d’être une femme a été longtemps un handicap. Heureusement, aux yeux des clients, c’est une valeur ajoutée ». Des clients de plus en plus nombreux qui peuvent, sur rendez-vous, et pour 7 Euros, visiter le fournil et déguster les produits sortis du four dans un décor historique.

ARSENE CORVEC

83, rue de Crimée (19ème) – M° Laumière – Tél. : 01 42 40 64 55 – FAX / 01 48 03 24 94 – Ouverture : de 8h à 20h – Fermeture : mardi et mercredi.