La chonique d’Annabelle Milot
Cigale Mag N° 36
Février 2011
Quand avez-vous eu envie de devenir
humoriste ?
Mon Dieu, ça fait tellement longtemps ! J’ai
décidé de faire ce métier, je devais avoir
douze ans. Je faisais rigoler la famille,
après les amis, l’école, le camping… De fi l
en aiguille, on prend goût à la popularité.
L’attention qu’on nous porte quand on fait
rigoler, ça fait du bien et c’est bon pour
l’ego. Ma mère est décédée alors que j’avais
douze ans ; elle était convaincue que je
serais humoriste alors ça m’est resté.
Quelle a été votre première démarche
professionnelle ?
Il y en a eu plusieurs. J’ai quand même fait
dix ans de spectacle dans les bars et boîtes
de nuit, on peut considérer ça comme une
démarche professionnelle. Mais mon premier
essai, c’était dans un concours amateur où
ma soeur m’avait inscrit. Je l’avais
remporté et un monsieur du jury, une sorte
de Jean-Marie Bigard à la québécoise m’avait
proposé de faire sa première partie… Puis
j’ai été embauché dans une station de radio
en région. À la même époque, j’ai remporté
un concours de Juste pour Rire qui m’a
offert un ticket pour jouer sur la grande
scène du grand Théâtre Saint Denis, à
Montréal.
Dans votre one-man-show vous chantez,
dansez, interprétez, dessinez… Peut-on
dire que vous êtes un artiste complet ?
J’ai un peu l’impression ! J’ai toujours
touché à tout. Jeune, j’aimais prendre des
cours de piano, de guitare. Je n’ai
jamais poussé les études très, très loin :
je suis plus tôt un autodidacte,
j’aime appronfondir par moi-même. Je
ne suis pas très académique, comme garçon.
Oui, et plus on joue un spectacle, plus il y a des sketchs qu’on préfère à d’autres. Le danger lorsqu’on joue un show 300, 400 fois, c’est de se lasser soi-même. C’est pour ça que moi, je tiens toujours à raconter des histoires vécues : c’est plus difficile de se lasser, on peut raconter nos vraies histoires jusqu’à notre mort en en rajoutant, en les exagérant… Quand je raconte un truc complètement fictif, je me lasse plus rapidement. La douane, c’est mon sketch préféré !
Vous vous livrez beaucoup dans ce
spectacle. Encore ce besoin de vous
montrer nu ?
Bonne question ! Cela part sûrement du fait
que l’on ait grandi dans un camp de
nudistes, ma famille et moi !
Faire un sketch sur le décès de son père
dans un oneman-show, est-ce un pari risqué
?
Je suis très content de faire ce numéro un
peu plus sensible, parce que ça me fait du
bien. S’il y a un léger malaise au départ,
je crois qu’il se dissipe assez rapidement.
S’il y a des gens qui veulent rire à tout
prix, ils y trouveront leur compte sur
d’autres sketchs. C’est vrai que c’est un
one-man-show et que ce n’est peut-être pas
dans la tradition d’humoriste d’aborder ce
genre de sujet… Même si plus les gens rient,
plus je suis content – car on est là pour se
dilater la rate – j’ai envie que les gens
sortent et qu’ils aient été transportés dans
mon univers. Peut-être qu’en riant de mes
soucis, ils oublient les leurs…
À un moment, vous parodiez un journaliste
français dont vous ne comprenez pas toutes
les questions. Cela vous est-il vraiment
arrivé ?
Parfois à la télé, je voyais des émissions
un peu pointues avec des intervieweurs un
peu intellectuels. J’ai fait aussi en
plateau des interviews, des questions
tombaient sur mes voisins de table et
j’étais bien content que ça ne tombe pas sur
moi. Alors je me suis demandé comment
répondre à un journaliste de cette trempe.
Et puis j’avais envie de mettre le
journaliste québécois face à un journaliste
français, parce que vous êtes très
différents : vous utilisez beaucoup de mots,
vous avez un vocabulaire assez approfondi.
Au Québec, on se fait rarement mettre en
boîte. On n’aime pas les confrontations.
Alors même si nous parlons la même langue,
Français et Québécois, nous sommes très
différents dans notre approche, notre façon
de dire les choses…
Avez-vous compris toutes mes questions ?
Oui, jusqu’ici ça se passe très bien.
Mon Dieu : vous voyez, c’est moi qui l’ai écrit et je ne sais pas quoi répondre ! Un jour Gérard Louvin, le producteur, m’a dit : « Je crois que je sais pourquoi les gens t’aiment, Stéphane. T’es pas le plus drôle, mais tu as une sensibilité ! » Je pense qu’effectivement, j’ai une sensibilité et un côté très gamin. Je suis assez transparent, comme garçon. Ça me trahit souvent d’ailleurs, mais je crois que c’est ce que les gens aiment, que c’est pour ça qu’ils me pardonnent certaines erreurs et qu’ils sont aussi émus parfois quand je raconte des histoires… Je suis un peu gaffeur aussi : tout ça fait un tout sympathique !
Le soir où je suis venue voir le
spectacle, vous avez bafouillé. Était-ce
la fatigue ou avez-vous été perturbé par
le fait que je sois dans la salle ?
C’est peut-être ça ! En fait c’est vraiment
ça, car je suis très influençable… Quand il
y a, dans la salle, des gens que j’estime
beaucoup ou que j’admire, je bafouille !