Ma rencontre avec François Morel

La chonique d’Annabelle Milot

Cigale Mag N° 34
Septembre 2010

 

C’était avec Deschiens qu’il avait commencé sa carrière d’acteur – c’est avec des lions qu’il débute celle de chanteur… François Morel est décidément un drôle d’oiseau, aussi talentueux que sympathique.

L’album s’intitule « Le Soir, des lions… » Pourquoi ce titre ?
C’est le souvenir d’un patron de trattoria à Francfort qui parlait de ses serveurs. Il était plutôt paternaliste et plutôt sympathique d’ailleurs, mais il se moquait d’eux et du fait que le matin, ils arrivaient pas bien réveillés, avec des cernes sous les yeux parce qu’ils avaient fait la bamboula toute la nuit. Alors il disait d’eux : « Le soir, des lions ; le matin, des pauvres cons ». J’ai appris que c’était un dicton italien. Pour moi cela représentait une métaphore de l’artiste qui semble fort et invincible dans de belles lumières de théâtre et puis le lendemain, il est moins brillant, il est comme tout le monde !

Dans votre album, on peut noter trois collaborations féminines : Helena Noguerra, Juliette et Yolande Moreau. Quels sont vos points communs avec chacune d’entre elles ?
Helena, comme elle, je suis comédien-chanteur, comme elle, j’aime le jeu, la comédie, m’amuser sur scène et faire des choses inattendues. C’est quelqu’un de fantasque et qui est souvent là où on ne l’attend pas. Je l’ai rencontrée sur le tournage de « Ah ! si j’étais riche ». On n’a pas eu de scène ensemble et je le regrette d’ailleurs car elle était souvent nue et moi, très habillé ! Juliette, je l’ai rencontrée par Yolande. C’est quelqu’un que j’ai appris à connaître avec le temps. On avait fait un duo ensemble sur son dernier disque, « Mémère dans les orties ». Notre point commun, c’est le mélange du théâtre et de la chanson. On s’est rencontré au milieu du pont… Moi, je suis comédien et j’avais envie de faire de la chanson – elle, elle est chanteuse et avait envie d’aller vers le théâtre. Quand je lui ai demandé de faire la mise en scène du spectacle, c’est parce que je pensais qu’elle allait m’amener vers le music-hall et la première chose qu’elle m’ait dite, c’est « Tu vas avoir des costumes et un décor ! », ce qui me ramenait au théâtre ! Je suis spectateur de ses spectacles et je l’admire beaucoup. Yolande, je suis très proche de son univers, nos points communs sont trop nombreux pour pouvoir tous les énumérer.

Je rappelle que vous avez écrit tous les textes de l’album. Dans la chanson « J’ai un corps parfait », vous dites : « À côté de moi Rambo fait un peu gringalet, que mon sex-appeal est simplement idéal, qu’à côté, George Clooney paraît un peu banal… » Il paraît qu’il y a toujours un fond de vérité dans ce qu’on dit. Alors tout cela est-il vrai ?
C’est vrai que je me suis fait plaisir. Les chansons les plus marrantes sont les plus compliquées à faire. Mais il s’agit bien là d’autodérision. Je sais que physiquement, je suis assez éloigné de George Clooney et je le regrette ! Moi, je ne suis pas désagréable et j’ai plutôt un bon fond, comme disait ma grand-mère !

Quelles sont vos influences musicales ?
Ça peut aller de Bourvil à Boris Vian en passant par Brassens, Moustaki, les Frères Jacques et plus récemment Thomas Fersen, Vincent Delerm… En gros, tous les gens qui écrivent et qui s’amusent avec le langage. Pierre Perret est venu dans la salle et en chantant les chansons devant lui, je me suis dit qu’au fond, je n’étais pas si loin que ça de lui, car mes chansons peuvent aussi être parfois grivoises et parfois sentimentales.

Comment définiriez-vous votre spectacle ?
Mélancolique et joyeux. Concert théâtralisé ou théâtre chanté, un mélange de tout ça !

Votre album passe de la chanson fantaisiste à des thèmes de société graves. Pourquoi cette alternance des genres ?
Parce que, dans le fond, c’est exactement ce qui me plaît dans la chanson. C’est pouvoir passer d’un univers à un autre, ou d’un sentiment à un autre, c’est la richesse que proposent les chansons, c’est-à-dire de pouvoir être hyper grave et de dénoncer un certain nombre de choses et juste après, de pouvoir faire une chanson plus légère sur les bains de pieds ! Ça m’amuse et ça m’intéresse. Je trouve ça riche, le fait de pouvoir passer d’un univers à l’autre. Je ne m’interdis aucun sujet si je trouve un angle qui me paraît juste et intéressant. »

Une des chansons, « Fatigué, fatigué », évoque les profanations de cimetière. Aviez-vous une raison particulière de vouloir traiter un tel sujet ?
J’ai trouvé que l’angle était intéressant à partir du moment où j’ai décidé de faire parler le mort, car en fait je n’aime pas ce genre de chansons qui pourraient être remplacées par des articles de journaux. Je trouve que les chansons doivent apporter un autre point de vue. Faire parler le mort me paraissait suffisamment décalé pour être traité.

Acteur, chanteur, auteur, chroniqueur, humoriste : peut-on dire de vous que vous êtes un artiste complet ?
Non, car je fais peu de trapèze et peu de peinture à l’huile ! Il y a plein de choses que je ne sais pas faire. L’humoriste est certainement le lien entre toutes ces professions…

Qu’est-ce que vous aimeriez que l’on dise sur l’album ?
Qu’est-ce qu’il se vend bien !

À grandes enjambées, lorsqu’on passe des Deschiens à chanteur, est-ce parce qu’on rêve de prendre la place de Johnny, de remplir le stade de France, que les filles soient nues et qu’elles s’arrachent sa vertu ?
Non, parce que je ne fais pas partie de cette tradition de chanteur – que j’ai bien aimé aller voir, d’ailleurs. Mais pour moi, aucune fille ne s’est jamais mise nue en me voyant ! Et le Stade de France, cela serait trop grand pour moi, mais qu’est-ce que je regrette que le Bobino de mon enfance n’existe plus, parce que ça, c’était une très belle salle qui aurait pu me correspondre. J’aurais peut-être réussi à la remplir quelques soirs… »