La chonique d’Annabelle Milot
Cigale Mag N° 34
Septembre 2010
L’album s’intitule « Le Soir, des lions… »
Pourquoi ce titre ?
C’est le souvenir d’un patron de trattoria à
Francfort qui parlait de ses serveurs. Il
était plutôt paternaliste et plutôt
sympathique d’ailleurs, mais il se moquait
d’eux et du fait que le matin, ils arrivaient
pas bien réveillés, avec des cernes sous les
yeux parce qu’ils avaient fait la bamboula
toute la nuit. Alors il disait d’eux : « Le
soir, des lions ; le matin, des pauvres cons
». J’ai appris que c’était un dicton italien.
Pour moi cela représentait une métaphore de
l’artiste qui semble fort et invincible dans
de belles lumières de théâtre et puis le
lendemain, il est moins brillant, il est comme
tout le monde !
Dans votre album, on peut noter trois
collaborations féminines : Helena Noguerra,
Juliette et Yolande Moreau. Quels sont vos
points communs avec chacune d’entre elles
?
Helena, comme elle, je suis comédien-chanteur,
comme elle, j’aime le jeu, la comédie,
m’amuser sur scène et faire des choses
inattendues. C’est quelqu’un de fantasque et
qui est souvent là où on ne l’attend pas. Je
l’ai rencontrée sur le tournage de « Ah ! si
j’étais riche ». On n’a pas eu de scène
ensemble et je le regrette d’ailleurs car elle
était souvent nue et moi, très habillé !
Juliette, je l’ai rencontrée par Yolande.
C’est quelqu’un que j’ai appris à connaître
avec le temps. On avait fait un duo ensemble
sur son dernier disque, « Mémère dans les
orties ». Notre point commun, c’est le mélange
du théâtre et de la chanson. On s’est
rencontré au milieu du pont… Moi, je suis
comédien et j’avais envie de faire de la
chanson – elle, elle est chanteuse et avait
envie d’aller vers le théâtre. Quand je lui ai
demandé de faire la mise en scène du
spectacle, c’est parce que je pensais qu’elle
allait m’amener vers le music-hall et la
première chose qu’elle m’ait dite, c’est « Tu
vas avoir des costumes et un décor ! », ce qui
me ramenait au théâtre ! Je suis spectateur de
ses spectacles et je l’admire beaucoup.
Yolande, je suis très proche de son univers,
nos points communs sont trop nombreux pour
pouvoir tous les énumérer.
Je rappelle que vous avez écrit tous les
textes de l’album. Dans la chanson « J’ai un
corps parfait », vous dites : « À côté de
moi Rambo fait un peu gringalet, que mon
sex-appeal est simplement idéal, qu’à côté,
George Clooney paraît un peu banal… » Il
paraît qu’il y a toujours un fond de vérité
dans ce qu’on dit. Alors tout cela est-il
vrai ?
C’est vrai que je me suis fait plaisir. Les
chansons les plus marrantes sont les plus
compliquées à faire. Mais il s’agit bien là
d’autodérision. Je sais que physiquement, je
suis assez éloigné de George Clooney et je le
regrette ! Moi, je ne suis pas désagréable et
j’ai plutôt un bon fond, comme disait ma
grand-mère !
Quelles sont vos influences musicales ?
Ça peut aller de Bourvil à Boris Vian en
passant par Brassens, Moustaki, les Frères
Jacques et plus récemment Thomas Fersen,
Vincent Delerm… En gros, tous les gens qui
écrivent et qui s’amusent avec le langage.
Pierre Perret est venu dans la salle et en
chantant les chansons devant lui, je me suis
dit qu’au fond, je n’étais pas si loin que ça
de lui, car mes chansons peuvent aussi être
parfois grivoises et parfois sentimentales.
Comment définiriez-vous votre spectacle ?
Mélancolique et joyeux. Concert théâtralisé ou
théâtre chanté, un mélange de tout ça !
Votre album passe de la chanson fantaisiste
à des thèmes de société graves. Pourquoi
cette alternance des genres ?
Parce que, dans le fond, c’est exactement ce
qui me plaît dans la chanson. C’est pouvoir
passer d’un univers à un autre, ou d’un
sentiment à un autre, c’est la richesse que
proposent les chansons, c’est-à-dire de
pouvoir être hyper grave et de dénoncer un
certain nombre de choses et juste après, de
pouvoir faire une chanson plus légère sur les
bains de pieds ! Ça m’amuse et ça m’intéresse.
Je trouve ça riche, le fait de pouvoir passer
d’un univers à l’autre. Je ne m’interdis aucun
sujet si je trouve un angle qui me paraît
juste et intéressant. »
J’ai trouvé que l’angle était intéressant à partir du moment où j’ai décidé de faire parler le mort, car en fait je n’aime pas ce genre de chansons qui pourraient être remplacées par des articles de journaux. Je trouve que les chansons doivent apporter un autre point de vue. Faire parler le mort me paraissait suffisamment décalé pour être traité.
Acteur, chanteur, auteur, chroniqueur,
humoriste : peut-on dire de vous que vous
êtes un artiste complet ?
Non, car je fais peu de trapèze et peu de
peinture à l’huile ! Il y a plein de choses
que je ne sais pas faire. L’humoriste est
certainement le lien entre toutes ces
professions…
Qu’est-ce que vous aimeriez que l’on dise
sur l’album ?
Qu’est-ce qu’il se vend bien !
À grandes enjambées, lorsqu’on passe des
Deschiens à chanteur, est-ce parce qu’on
rêve de prendre la place de Johnny, de
remplir le stade de France, que les filles
soient nues et qu’elles s’arrachent sa vertu
?
Non, parce que je ne fais pas partie de cette
tradition de chanteur – que j’ai bien aimé
aller voir, d’ailleurs. Mais pour moi, aucune
fille ne s’est jamais mise nue en me voyant !
Et le Stade de France, cela serait trop grand
pour moi, mais qu’est-ce que je regrette que
le Bobino de mon enfance n’existe plus, parce
que ça, c’était une très belle salle qui
aurait pu me correspondre. J’aurais peut-être
réussi à la remplir quelques soirs… »